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Germain-CAMINADE-2013


Voilà un peintre de ce siècle qui pour donner le jour aux images projetées par sa créativité utilise les moyens les plus classiques et les plus éprouvés de son art millénaire : la peinture. Aujourd'hui, comme voilà quatre ou cinq cents ans les artistes les plus immémoriaux, les Vinci, les Raphael, les Titien…, il va directement aux  pigments et les travaille à l'huile. Germain Caminade n'est pas, mais pas du tout, un adepte de l'acrylique ni des couleurs préfabriquées vendues en tubes ou en bocaux. Il ne court pas après le vite-fait ni l'approximation industrielle. La peinture pour lui est un sacerdoce et une éthique.Sa palette joue dans les grandes largeurs entre le vif inouï des jaunes, des verts, des orange extrêmes et l'apaisé de teintes plus calmes. Il lui faut donc aller chercher patiemment dans les oxydes, les cristaux, les métaux, les fluos… les éléments colorés  subtils qui correspondent exactement à son désir et qui donnent à son travail sur la toile leur spécificité, leur originalité, leur valeur. Germain Caminade  doit, dans sa recherche quasi alchimique, faire jaillir la teinte la plus exacte et précise. Sa quête de la tonalité juste est une ascèse à laquelle il se livre.Si j'insiste sur la couleur - les couleurs - et la matière des oeuvres de Germain Caminade, c'est parce que pour leur forme on ne peut appréhender d'un seul coup d'œil, d'une seule vue cavalière, les voies majeures qu'emprunte l'artiste, successivement ou paralèllement ou dans la concomitance. C'est aussi ce qui fait la singularité de Germain Caminade. Pour simplifier la perception que l'on peut avoir du trajet de l'artiste, je définirais trois pistes dans l'ensemble de ses propositions.La première est celle de la figuration. Visages, scènes composées, groupes de personnes, animaux… constituent ce premier ensemble d'images qui tendent le plus souvent vers l'épure. Elles se définissent en chocs d'espaces peinture/lumière  où le tracé, le « peint » appellent la contribution du spectateur pour qu'il comble ce qui est un vide, mais aussi une invitation à exprimer son propre dessein.La deuxième piste du travail de Germain Caminade est celle de la composition que l'on peut déclarer au premier coup d'œil abstraite. Il s'agit d'assemblages, plus ou moins lâches ou plus ou moins serrés, de formes à la géométrie imparfaite, colorées, en tension l'une envers l'autres, libres ou cernées. Ces ensembles de formes évoquent, si l'on veut, celles qui  trament  les tissus de l'ancienne Amérique, des Indiens du Sud ou de l'Afrique des tribus, comme celles des N'tchak du Congo, ou certains  « wax », ces tissus ornés à l'aide de cire. Par leurs coloris, leur imperfection formelle décidée, ces formes imposent leur présence mystérieuse et, du coup, faisant fuir l'idée première de  l'abstraction et le risque de sécheresse  qui serait impliqué par une méthode trop méthodique, elles se trouvent  chargées d'un fort potentiel émotionnel.Dans un mode connexe, Germain Caminade a inventé aussi une figure, une représentation qui lui est personnelle. C'est une icône, apparemment très simple.  Très puissante en réalité. Il s'agit de ses tableaux intitulés « Équilibres/tensions ». Un grand cercle de couleur unie, entouré seulement par le blanc du fond, est largement installé sur la moitié supérieure de la toile. Deux barres larges superposées,  occupent, elles, la moitié inférieure du tableau dont le reste n'est que blancheur. Ces trois éléments sont peints avec liberté, sans règle ni compas,  chacun de couleurs différentes mais qui vibrent indiciblement l'une par rapport à l'autre. Ces éléments  apparaissent même comme en lévitation ou mieux comme tenus à distance l'un de l'autre par une sorte d'effet magnétique ; comme si la loi de gravitation  décrite par Newton et par Einstein leur imposait ici aussi sa règle universelle. Ce qui explique sans doute une part du pouvoir attractif qu'exercent ces œuvres.Troisième voie enfin chez Germain Caminade, celle de l'abstraction à proprement parler (sans que l'expression banale épuise ici le sujet. C'est plus compliqué).  Je préfèrerais pour ma part accoler à ce champ la qualification d'« informel ». Mais dans cet espace, l'artiste a lui-même donné des titres dynamiques  à trois séries : « Galactiques », « Organiques », « Énergies »…C'est le lieu où le peintre se donne un maximum de liberté. Mais aussi le maximum de plaisir dans une véritable euphorie picturale. Pour ses «Galactiques », par exemple, il serait trop facile d'aller chercher du côté de Jackson Pollock parce que…  les drippings y ont joué un rôle. Ça n'a à vrai dire rien à voir. La marque du crayon, Caran d'Ache ou Conté,  n'a jamais engagé aucun poète. Nous sommes dans deux mondes différents. Celui de Germain Caminade est une musique où les accords sont savamment calculés pour donner du bonheur à voir ce qui est lancé sur la surface plane. Il en va de même pour ses « Organiques » où d'autres références pourraient être sollicitées, mais à quoi bon, puisque l'énigme du travail de l'artiste, se résout ici et maintenant, sur la toile qu'il maîtrise de A jusqu'à Z. La série « Énergie » pourrait valoir des remarques du même genre qui aideraient à en affirmer l'originalité. Celle-ci réside d'abord dans l'énergie des couleurs et des dispositifs qui mettent celles-ci en jeu, en oppositionJ'évoquais un peu plus haut les trois voies empruntées par Germain Caminade pour construire son œuvre. Si l'on veut bien être un tout petit peu plus perspicace et lire sous les lignes ou entre elles ce que nous propose le peintre, on peut dès lors comprendre et voir que ces trois directions sont finalement parallèles, cohérentes, congruantes et que les finalités des unes et des autres, dans un travail acharné de recherche et d'exploration, affirment la suprématie de la couleur et de la peinture. Pour approcher la vérité de l'artiste.

Jacques Bouzerand


Lettrer, peindre, couper, coller, explorer le virtuel dans toutes ses dimensions. Rétif à la langue qui se substituerait à l’image, Germain Caminade n’en manipule pas moins des signes. Détraqués, encadrés, superposés, intriqués, mixés, ils se déploient dans un espace sémantique pur, libéré de la référence, sauf au rêve, c’est-à-dire livrés aux condensations, aux censures brisées, à la danse neuronale. La surexposition de gribouillages ne doit rien à la désinvolture. Elle met en lumière comment les émulsions de couleur ne prennent sens que dans l’invocation d’un regard écorché. Ce sont des objets calligraphiques uniques, à la beauté indécidable, bazardant les formats préconçus au profit d’expériences limites. Non pas dans l’excès facile, mais dans la saturation de la simplicité. Peut-être à la flamme d’une chandelle. Loin des signaux épileptiques d’un monde trop énervé. Pour ressentir chaque ondulation des signes, à même la matière des pigments, comme à la recherche d’un sens inconstructible. Ce serait un cabinet de curiosités, plein de contrefaçons et de casiers optatifs : puisse la lumière nous détourner des évidences et nous rendre l’axiome du peut-être. J’en relève quelques signaux faibles : des micro-équilibres aux contrastes plus subtils que la recette de Rothko ; des fantômes survenus d’une ancienne humanité ; une réduction de l’œuvre à son seul titre retourné ; slogans usés jusqu’à la trame ; bavures caricaturales ; voltige de symboles au-dessus du filet des mots ; nocturnes africains ; silhouette à la plus simple expression ; 217, 219. Germain Caminade renverse la syntaxe. Cela va bien au-delà de la « salade de mots » à la Dada. C’est un assemblage subversif, loin des échos attendus, au plus près du signe : même le visage isolé, même la peau cuivrée, mêmes le goudron et l’argent, même la phrase détachée résonnent ! On assiste à la déconstruction de la lecture, à la fin du déchiffrage aveugle à la figure du signe. Il y a une identité douloureuse qui se perd dans la déliquescence des chairs ou la misérable superficialité des symboles vestimentaires et il y a l’énergie du vide. L’artiste nous a fait trébucher, nous les somnambules, pour nous réapprendre l’usage du monde, pour nous rendre une boussole aimanté par le désir, et pour mettre fin à ces images qui font de nous de la viande rouge. 

L'art de Germain Caminade est une mise en oeuvre véritablement contemporaine des arts plastiques : à l'alchimie sonore du DJ répond le mixage graphique des innombrables strates du designer Germain Caminade. Distorsions et interférences, de l'esquisse à l'installation, de la construction de surfaces lumineuses à l'intériorité bouillonnante des êtres, le jeu de mille sensations combinées incite à prendre la maxime de Léonard de Vinci, "Il disegno e cosa mentale", pour une vérité d'ici et maintenant.

Germain Caminade empreinte tous les chemins à la fois et ne conçoit son art que par l’exploration libre des possibles. Ces œuvres picturales se déploient dans la polarité entre l’abstraction et la figuration dont elles retiennent la tension féconde. Les plus abstraites demeurent toujours suggestives, tendues vers l’émergence de figures incertaines, prises dans l’équilibre transitoire de structures dissipatives. Les plus figuratives témoignent d’un effort de stylisation révélant des forces sous-jacentes, des relations ou des séparations invisibles entre les êtres qui donnent parfois à ses oeuvres un caractère quasi psychosociologique.

VINCENT BONTEMS
CEA • ENS • Larsim • …